Il descendit doucement l'escalier et découvrit Jeanne dans la cuisine, avec un bol fumant au bout des ongles. La table du petit-déjeuner était dressée exactement comme à l'accoutumée : les cuillères, les verres, la tartine de pain grillé, le couteau, le beurre, les carrés de chocolat, tout était parfaitement à sa place. Mais malgré l'évident talent du faussaire, cette toile ne faisait pas illusion. Tel un commissaire-priseur qui, d'un simple coup d'oeil, déclare qu'un tableau est une pâle copie, il vit tout de suite le coup de pinceau grossier que lui proposait cette matinée. Jeanne ne lui avait pas dit un mot quand il était entré dans la pièce, et chacun des traits de son visage était empreint d'une obscure colère. Si cela ne l'aida pas à définir précisément ce qui allait advenir, il comprit ce que Jeanne était en train de faire, il la connaissait trop bien : elle préparait le ring, elle soignait sa mise en scène.
Étienne est dévasté par la mort de son père. Un père qui était un exemple pour lui et formait avec sa mère un couple modèle. Depuis trente ans, le jeune homme n'a jamais douté de leur amour réciproque ni de leur fidélité. C'est même le socle des rares certitudes sur lequel il tente de construire sa vie.Et pourtant.Avant de mourir, son père a écrit une lettre qui lui dévoile son plus grand secret:un amour intense qui a bouleversé le cours de sa vie. Ce récit exalté va faire voler en éclats l'image idéale qu'Étienne avait de ses parents, et lui fera entrevoir que la beauté de l'existence réside parfois dans ses imperfections.