Dans Mein Kampf, l'autobiographie qu'il rédigea en 1924-1925, Hitler donne de lui-même l'image d'un parfait autodidacte à la vision du monde totalement constituée. Pourtant, le trentenaire qui entra en politique au sortir de la Première Guerre mondiale n'avait pas d'opinions bien arrêtées, ni même de fortes convictions antisémites.
S'appuyant sur les premiers textes d'Hitler, traduits ici pour certains pour la première fois, Anne Quinchon-Caudal retrace les années de formation de ce soldat qui trouva à partir de 1919 une seconde famille auprès du Parti allemand des travailleurs. Celui-ci entretenait des relations plus ou moins étroites avec une nébuleuse d'idéologues nationalistes et racistes, qui entendaient défendre les intérêts du peuple allemand authentique contre une multitude d'ennemis, supposés vouloir la mort de la germanité.
C'est ce milieu qui donna à Hitler les éléments de langage de sa propagande, des mots qui entrèrent en résonnance avec la situation d'une large frange de la population. Une population appauvrie par la guerre et révoltée par ses conséquences, que le politicien harangua toujours plus radicalement lors des meetings du Parti national-socialiste. Mais c'est surtout dans ce milieu qu'Hitler rencontra celui qui allait devenir son maître à penser : l'écrivain antisémite Dietrich Eckart.
Anne Quinchon-Caudal propose dans ce livre une histoire des idées hitlériennes et de leur évolution, de la fin de la Grande Guerre à l'échec du putsch de la Brasserie en 1923.
Ce travail montre Hitler en fils, et non en accident, de notre modernité.
Nicolas Patin, préfacier
En août?1940, le maréchal Pétain, chef de l'État français, décide de rassembler les anciens combattants dans une organisation unique, afin de relayer sa politique dans tout le pays. Avec plus d'un?million d'adhérents, la Légion française des combattants s'impose comme le seul mouvement de masse du régime de Vichy.
La propagande pétainiste présente ces légionnaires comme les symboles de la popularité du chef de l'État, mais la réalité est plus complexe. De fait, les anciens combattants étaient déjà répartis dans l'entre-deux-guerres dans des associations très actives dont la Légion prend, à bien des égards, la suite.
Au plus près de ses membres et de leurs activités concrètes, Anne-Sophie Anglaret retrace la naissance, l'action et le déclin des sections de la Légion et montre la force des sociabilités locales par-delà le changement de régime. Elle met aussi en lumière la grande porosité idéologique entre les principes de la révolution nationale et les associations conservatrices d'avant-guerre.
Elle permet ainsi de mieux comprendre ce qu'a été la Légion et, partant, ce qu'a été Vichy?: non pas une parenthèse, mais l'adaptation d'une tendance de fond à un contexte exceptionnel.
À la fin des années 1930, près de 760 000 Juifs vivaient en Roumanie. En 1945, ils n'étaient plus que 375 000. Fondé sur un accès privilégié aux archives secrètes du gouvernement roumain, ce livre offre une analyse sans précédent de milliers de documents délibérément cachés jusqu'aux années 1990. Pièces d'archives, rapports, mémoires de survivants, lettres privées, Radu Ioanid mobilise tous ces éléments pour restituer les politiques roumaines de persécution et d'extermination des Juifs sous le régime dictatorial de Ion Antonescu.
Parmi les centaines de milliers de Juifs roumains disparus pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux tiers ont en réalité péri sous les coups de l'administration d'Antonescu, et non dans les camps du Grand Reich, comme on l'a longtemps pensé. Ce sont ainsi au moins 250 000 Juifs qui moururent sur ordre direct des autorités de Bucarest. Déportations en masse vers la Transnistrie, massacres par la police et la gendarmerie à Jassy, Odessa ou Berezovka : il y eut une véritable "?solution finale?" à la roumaine.
Radu Ioanid met en lumière la réalité des persécutions, la cruauté de leurs auteurs, leur opportunisme flagrant et leur cynisme sans frein. Cette histoire est celle de la destruction et de la survie ; de la réaction des Allemands face à la violence roumaine désordonnée ; d'une politique nationale fluctuante dans le contexte mouvant de la guerre qui a permis à plus de 300 000 Juifs roumains de survivre.
Des études documentées comme celle de Radu Ioanid constituent la meilleure réponse aux tendances actuelles dans de nombreux pays, dont la Roumanie, à réhabiliter les auteurs des crimes de l'époque de l'Holocauste.
Comment et pourquoi 75?% des juifs ont-ils échappé à la mort en France sous l'Occupation, en dépit du plan d'extermination nazi et de la collaboration du régime de Vichy?? Comment expliquer ce taux de survie inédit en Europe, dont les Français ont encore peu conscience??
Jacques Semelin porte un regard neuf et à hauteur d'hommes sur les tactiques et les ruses du quotidien qui ont permis aux persécutés d'échapper aux rafles et déportations. Au-delà du contexte international et des facteurs géographiques, politiques, culturels, il montre que les juifs ont trouvé en France un tissu social complice pour les aider, surtout à partir de l'été 1942, malgré l'antisémitisme et la délation.
Entre arrestations et déportations d'une part, gestes d'entraide et pratiques de solidarité d'autre part, ce livre est tout sauf une histoire édulcorée des quelque 220?000 juifs toujours en vie en France à la fin de l'Occupation. C'est une histoire au plus près des réalités quotidiennes des persécutés juifs, français et étrangers, illustrée par les trajectoires d'individus ou de familles, dont le lecteur suit l'évolution de l'avant-guerre aux années noires.
Omniprésente dans l'imaginaire lié à la France des années noires, la délation contre les juifs n'avait pourtant jamais fait l'objet d'une enquête approfondie. L'ouvrage de Laurent Joly vient combler cette lacune.
Croisant approche institutionnelle et études de cas individuels, il examine tour à tour le rôle de la dénonciation dans les pratiques du commissariat général aux Questions juives, de la Gestapo, de la préfecture de Police et du journal Au Pilori. À partir de correspondances privées inédites, il fait également revivre le destin de victimes, telle Annette Zelman, dénoncée à la Gestapo par les parents de son fiancé non juif et déportée en juin 1942.
Tout un pan de la vie et de la persécution des juifs à Paris est ainsi ressuscité?: des contextes sociaux conflictuels, des stratégies de sauvetage anéanties, des vengeances sordides se donnant libre cours jusqu'aux dernières heures de l'Occupation.
La délation contre les juifs n'est pas ce phénomène de masse que l'on imagine communément. Instrument de la politique génocidaire des nazis, elle n'en a pas moins provoqué la mort de plusieurs milliers de femmes, hommes et enfants.
Cette étude fondamentale a révolutionné notre connaissance de l'opinion publique sous le IIIe?Reich. Une histoire des «?Allemands ordinaires?» dans une région emblématique, la Bavière, où Adolf Hitler fit ses premiers pas. La reconstitution vivante et minutieuse d'un quotidien marqué par le conformisme, l'inertie, l'adhésion, la peur ou le renoncement.
Comment «?l'homme de la rue?», prompt à s'enthousiasmer pour les défilés nazis, réagit-il au boycott des commerces juifs, aux attaques contre le clergé, à la brutalité des SS et à la répression des opposants?? Quelles furent les réactions des églises, des ouvriers, des classes moyennes, du patronat et de l'aristocratie??
À rebours d'une interprétation longtemps partagée par les historiens, Ian Kershaw entend rompre avec l'image d'une domination totale de la population par un régime répressif.
STO Trois initiales gravées dans la mémoire collective, qui disent l'humiliation, l'amertume, la peur des centaines de milliers de jeunes Français envoyés de force en Allemagne. Parmi eux, plusieurs personnalités devenues célèbres : Georges Brassens, Michel Galabru, Antoine Blondin, Cavanna, Raymond Devos... Patrice Arnaud signe une étude magistrale, nourrie d'archives inédites et de témoignages oraux, sur ces requis du travail obligatoire.
Confinés dans des baraquements surpeuplés, soumis à un labeur harassant et à une surveillance de tous les instants, les « STO » établissent des rapports conflictuels, amicaux, voire amoureux avec la population allemande et les autres travailleurs étrangers. Parallèlement à cette histoire du quotidien, Patrice Arnaud analyse les politiques d'encadrement de cette main-d'oeuvre par l'État national-socialiste. Revenus en France, les requis seront stigmatisés, ce qui les incitera à défendre leur propre histoire, et à réclamer le statut de « déportés du travail ».
Nourri d'archives inédites, ce livre examine la vie quotidienne de la population juive en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Soumis à l'obligation de recensement, renvoyés des emplois qu'ils occupaient par le passé, dépouillés de leurs biens, les Juifs étaient alors condamnés à la marginalisation sociale et économique. Puis vint le temps de la traque et, pour nombre d'entre eux, celui de la déportation.
Comment, dans ces conditions, les Juifs subvenaient-ils à leurs besoins ? Quels furent leurs recours dans la société française et auprès des organisations juives ? Comment vivaient les Juifs internés dans les camps français ? Que savait-on, à cette époque, de la « destination inconnue » vers laquelle partaient les trains de la déportation ? Ces questions permettent à Renée Poznanski de redonner à l'existence des Juifs en France pendant la guerre une dimension humaine. Écartant les dérives anachroniques, l'auteur apporte un éclairage nouveau sur cette période tragique de l'histoire.
La riche postface à cette nouvelle édition revient par ailleurs sur les débats historiographiques suscités, depuis le début des années 1990, par la multiplication des travaux relatifs à la persécution des Juifs de France sous l'Occupation.
Le 27?juillet 1942, ce cri est lancé par le philosophe et résistant Valentin Feldman aux soldats allemands qui s'apprêtent à le fusiller. Si le mot est devenu célèbre, on en a oublié son inventeur.
Né à Saint-Pétersbourg, réfugié en France après la révolution russe, Feldman est un élève brillant, qui décroche la première place de l'épreuve de philosophie au Concours général en 1927. Neuf ans plus tard, il publie le seul essai paru de son vivant, L'Esthétique française contemporaine. Ses proches se nomment alors Claude Lévi-Strauss, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou Georges Politzer.
Confronté aux enjeux intellectuels et politiques de son temps (antifascisme, soutiens au Front populaire et à l'Espagne républicaine, etc.), le jeune homme s'engage volontairement en 1939 sous l'uniforme français. Stationnant à Rethel, il entame son Journal de guerre, un document irremplaçable sur l'effondrement de mai-juin 1940.
Français d'adoption, juif et communiste, Valentin Feldman est de ceux qui s'engagent immédiatement contre l'occupant nazi. Nommé professeur à Dieppe, il lance un journal clandestin, L'Avenir normand. Rattrapé par le statut des juifs de Vichy, il est exclu de l'enseignement à l'été 1941 et bascule dans la clandestinité. Arrêté en février?1942 après un sabotage, il est mis à l'isolement, torturé puis condamné à mort par un tribunal militaire allemand.
Avec Valentin Feldman disparaît l'un des intellectuels les plus prometteurs de sa génération, dont les prémices de l'oeuvre future, avortée, seront repris par d'autres?: «?Il n'y a d'héroïsme que dans l'acte qui engage la vie, qui la place d'emblée, et simplement, spontanément même, à la limite de l'être et du néant. [...] Tout le reste est littérature?», écrivait-il dans son Journal en août?1941.
Le 9 juin 1983, dans le cadre de la commémoration du 40e anniversaire de la fondation du Conseil national de la Résistance et de l'arrestation à Caluire de Jean Moulin, le résistant Daniel Cordier était invité par l'Institut d'histoire du temps présent à intervenir publiquement à la Sorbonne en qualité d'historien. Il y dévoila les premiers fruits de son travail, exclusivement fondé sur des sources écrites. Suivit une table ronde réunissant des historiens et des dirigeants de la Résistance. Elle donna lieu à une intense discussion entre partisans d'une histoire conçue à partir des seules sources écrites et tenants d'une écriture prenant en compte la voix des protagonistes.
En présentant les textes de la journée de 1983, Laurent Douzou décortique ce moment en le resituant dans l'effort accompli dès 1944 pour écrire une histoire documentée, malgré un accès longtemps difficile aux archives. Il le met en relation avec la distance prise depuis 1983 vis-à-vis des témoins. La « table ronde » de 1997, qui opposa Lucie et Raymond Aubrac à des historiens (dont Daniel Cordier) soucieux de les entendre s'expliquer sur un certain nombre de faits, fut à cet égard un point d'aboutissement en même temps qu'une voie sans issue.
Le « moment Daniel Cordier » permet ainsi de mieux évaluer l'apport de ce dernier à l'histoire de la Résistance et de penser la difficulté à composer avec la parole des acteurs pour aboutir à une histoire à la fois complexifiée, incarnée et critique : à quels écueils l'écriture de cette histoire fut-elle et reste-t-elle confrontée ?
Le Matin des magiciens de Pauwels et Bergié (1960) a fait naître l'idée qu'une société secrète aux pouvoirs étendus, la ?société Thulé?, aurait été le centre caché et ignoré du nazisme. L'influence de ce groupuscule bien réel n'est pourtant qu'un fantasme, un mythe.
Stéphane François, historien spécialiste du néonazisme, revient sur cette construction spéculative, ses origines, son bricolage idéologique et les pratiques qui ont réussi à former une sorte de contre-culture radicale et sulfureuse, associant ésotérisme et fascination pour le nazisme et la SS. Pour mieux la comprendre, il dresse également le portrait quelques-uns des auteurs qui ont contribué à son succès, tels l'ésotériste italien Julius Evola, le méconnu Jacques-Marie de Mahieu, un néonazi chilien ou l'écrivain Jean-Paul Bourre.
L'occultisme nazi dévoilé.
Préface de Johann Chapoutot
Pour la première fois, voici ici rassemblés les principaux écrits de Pierre Mendès France lors de la Seconde Guerre mondiale.
De Liberté, liberté chérie qui raconte les tentatives de l'auteur de poursuivre le combat en 1940 puis son évasion de prison après sa condamnation pour désertion, aux discours qu'il prononça à la radio en 1944-1945 alors qu'il était en charge du ministère de l'Économie nationale, c'est l'engagement dans la guerre par un acteur de la France Libre qui est ici raconté à la première personne.
Le lecteur trouvera notamment dans ce recueil les notes tenues quotidiennement par Pierre Mendès France lors de périlleuses missions aériennes sur l'Europe occupée au sein du mythique Groupe Lorraine, dans lesquelles il décrit le quotidien et le courage de ces aviateurs dont beaucoup perdront la vie, une petite armée qui symbolisa la France combattante et sauva l'honneur.
Les Écrits de résistance de Pierre Mendès France représentent un témoignage essentiel et incontournable du combat militaire, civique et patriotique d'un des plus éminents responsables politiques français du XXesiècle. Souligner sa résistance personnelle à la dictature vichyste et son engagement dans la France Libre constitue à la fois un devoir d'histoire et un acte de mémoire pour aujourd'hui.
Édition critique établie par Vincent Duclert. Avec la collaboration de Joan et Michel Mendès France, et de Simone Gros.
Plusieurs milliers de Tsiganes ont été internés en France entre 1940 et 1946 pour le seul fait qu'ils étaient nomades. Ils furent ainsi parmi les plus touchés par les mesures de contrôle et de coercition promulguées pendant la guerre. De la Troisième République finissante à la Libération, Denis Peschanski fait le point sur les conditions dramatiques dans lesquelles ces hommes, ces femmes et ces enfants ont vécu dans la France des années noires. L'étude de référence sur un drame oublié pendant des décennies.
Que lisait-on dans la France des années noires ? Comment expliquer la « faim de lecture » propre à la période de l'Occupation ? Quelle fut la part prise par le régime de Vichy dans la circulation, la diffusion, l'orientation des livres publiés ? Et celle de la Résistance dans la propagation des écrits clandestins ? Comment accéder à l'intimité des millions de lecteurs qui, cherchant à s'évader hors d'un quotidien éprouvant, trouvèrent alors refuge dans un ailleurs fait de phrases imprimées ? Stratégies et pratiques des éditeurs, querelles autour du patrimoine littéraire, réorganisation corporative de la chaîne du livre, listes d'interdictions et spoliations de l'occupant, écrivains partagés entre collaboration, accommodement, évitement, insoumission : Jacques Cantier signe la première histoire totale du livre et de la lecture entre 1939 et 1945, des politiques de censure mises en oeuvre par Vichy à l'ébullition culturelle de la Libération.
Archives publiques, critiques littéraires, notes de lecture mais aussi écrits du for privé permettent de retrouver les traces intimes des actes de lecture : écoliers de la France rurale cherchant à élargir leur horizon, adolescents parisiens en quête d'initiation, prisonniers de guerre tentant de maintenir une vie de l'esprit, victimes de la persécution antisémite en quête de réarmement moral...
La disparition de la quasi-totalité des Juifs de Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale est due à leur assassinat systématique par les Allemands. Mais que sait-on des comportements de la population polonaise ? La paix revenue, que sont devenus les derniers survivants ? Que nous dit aujourd'hui l'irruption de ce passé dans la société polonaise ? Comment vivre avec la mémoire d'Auschwitz, de Treblinka, de Belzec, autant de mémoriaux situés en Pologne ?
Depuis une quinzaine d'années, des historiens de ce pays ont montré combien il était difficile aux Juifs qui tentaient d'échapper aux tueurs de trouver appui auprès des populations locales, surtout en milieu rural, tant en raison de la politique de terreur menée par l'occupant que de l'hostilité de la société polonaise à l'égard des Juifs. Leurs travaux font désormais autorité dans le monde entier. Pourtant, depuis quelques années, les autorités de Varsovie mettent en oeuvre une « politique historique » qui vise à minorer, voire à nier, la participation de franges importantes de la population polonaise à la traque des Juifs.
Sur place, malgré les embûches et les intimidations, les historiens travaillent, publient, organisent des colloques, forment des étudiants. Les auteurs réunis dans cet ouvrage témoignent de la vitalité de cette historiographie. Faire connaître aujourd'hui la fécondité scientifique et la portée critique de la nouvelle école historique polonaise est une exigence intellectuelle, morale et politique.
Alors que la Shoah ne portait pas encore ce nom, les lendemains de la Seconde Guerre mondiale virent l'émergence de multiples initiatives portées par celles et ceux qui en avaient été les victimes et destinées à penser et à faire connaître cet événement. Tout en reconstruisant leur vie à Paris, Buenos Aires, New York ou Tel Aviv, de nombreux Juifs survivants, mus par l'urgence de transmettre ce qu'ils avaient vécu, se firent chercheurs, écrivains, reporters ou éditeurs et utilisèrent l'écrit en yiddish sous toutes ses formes comme moyen d'action privilégié.
Cet ouvrage s'intéresse à l'histoire encore méconnue de l'émergence de ces premiers savoirs conçus avant que le champ des recherches sur le génocide des Juifs ne se polarise, au cours des années soixante, entre d'une part, le « témoignage de la Shoah » comme genre pris en charge par les études littéraires et de l'autre, les travaux consacrés par les historiens à la politique nazie d'extermination.
En abordant cette histoire de façon interdisciplinaire, cet ouvrage convoque des enjeux méthodologiques et mémoriels très actuels. Il vient confirmer, s'il en était encore besoin, la pertinence d'intégrer le point de vue des victimes à une historiographie qui a longtemps voulu l'ignorer, et permet d'éclairer l'histoire des écritures de la Shoah par un retour à ses origines.
Entre la débâcle de mai-juin 1940 et la fin de l'année 1941, quelque 5?000 hommes, femmes et enfants gagnèrent la Martinique depuis Marseille à bord de cargos, échappant ainsi à l'Europe embrasée. Certains étaient juifs, d'autres républicains espagnols ou socialistes antinazis. Parmi eux, le révolutionnaire Victor Serge, le cinéaste Jacques Rémy ou la romancière Anna Seghers.
L'épisode est peu connu, et pourtant cette filière se révéla être une formidable voie de secours. Fort de plus de vingt années de recherches en France, en Allemagne, en République Tchèque, en Amérique du Nord et aux Antilles, dans des archives publiques ou familiales, Éric Jennings raconte cette aventure exceptionnelle.
S'intéressant aux questions liées aux migrations et aux luttes anticoloniales, l'auteur examine cette voie d'exil, contemple la traversée, l'arrivée à Fort-de-France et le ré-internement de la majorité des voyageurs par des autorités coloniales inquiètes de cet afflux de migrants. Il retrace également des rencontres, notamment entre des réfugiés et les chantres de la négritude, comme Aimé Césaire. Il explore enfin la clôture de cette route de secours, en insistant sur le rôle des autorités américaines. L'arrivée de réfugiés aux noms à consonance allemande avait fini par alarmer Washington...
Les craintes d'aujourd'hui autour d'une potentielle cinquième colonne parmi une masse de réfugiés - et les terribles conséquences de ces craintes sur des opérations de secours - n'ont donc rien de nouveau.
Début 2016, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Mein Kampf ressort en Allemagne dans une édition scientifique. Dans le même temps, l'éditeur historique de la traduction française annonce son intention de republier l'ouvrage dûment accompagné d'un appareil critique. Comment expliquer la postérité de ce pensum dont les divagations racistes et complotistes apparaissaient déjà comme telles à l'époque ? La réponse à la question ne serait-elle pas à chercher dans la forme plutôt que dans le fond de cet ouvrage ? En plus d'être le manifeste du national-socialisme, Mein Kampf ne serait-il pas en effet l'archétype d'un genre littéraire bien particulier, celui adopté par des leaders amenés à devenir autocrates, et mêlant propagande, manipulation et autobiographie ?
En s'immergeant dans le livre, Albrecht Koschorke fait ressortir les procédés visant à rendre irréfutables les propos avancés, attire l'attention sur la construction de l'ouvrage, les transitions des expériences personnelles aux stigmatisations globalisantes, les changements de registres d'écriture, désintrique les niveaux de lecture et éclaire les divers publics visés.
Une approche originale qui, dans la perspective de la prise du pouvoir, s'intéresse moins à la « doctrine » postulée de Mein Kampf qu'à sa « poétique » conjuguant autoritarisme et inconsistance intellectuelle.
L'histoire de la ?drôle de guerre?, qui a mobilisé cinq millions de soldats français de 1939 à la défaite de juin?1940, a longtemps été réduite, dans notre mémoire nationale, au Fernandel de La vache et le prisonnier ou aux aventures de la Septième compagnie.
Quatre-vingts ans après cette ?étrange défaite?, les héros de Dunkerque ou de la ligne Maginot, captifs manipulés par Vichy et oubliés dans les Stalags ou Oflags, restent des marginaux de l'histoire officielle.
En étudiant le parcours d'une centaine de ces anonymes ou célébrités et en utilisant les travaux les plus récents, Rémi Dalisson tente de comprendre la fabrique de ce dénigrement commencé dès 1939. Car la République et la société ont préféré les ignorer ou les moquer, malgré leur nombre et leur rôle dans la reconstruction du pays. Tous les moyens étatiques comme l'école, les décorations, les monuments ou les noms de rues, mais aussi la chanson, le cinéma ou la télévision les ont longtemps marginalisés. Cependant, à l'initiative de quelques spécialistes des Memorial Studies et des passionnés d'histoire, les soldats de 1940 semblent enfin sortir de l'oubli.
Les leçons du destin d'une génération méconnue, ?tombée pour la France?, et qui attend encore sa juste reconnaissance.
De Gaulle, la Libération et l'Église catholique André LATREILLE En bref La somme de référence sur les relations contrariées entre De Gaulle et l'Église au sortir de la guerre.
Le livre Les rapports de l'Église et de l'État, souvent tumultueux au XXe siècle, deviennent franchement critiques à la Libération. La Résistance et le gouvernement du général de Gaulle exigent l'épuration du personnel ecclésiastique et au premier chef des évêques. Les relations avec le Saint-Siège se tendent. Les statuts des congrégations et de l'enseignement privé font problème. C'est tout le lourd héritage de Vichy qu'il s'agit de régler.
Un grand historien qui fut le conseiller religieux et le directeur des Cultes du Gouvernement provisoire témoigne de cet aspect ignoré de la Libération qui a laissé quelques traces brûlantes. Le statut complexe de l'Église catholique de nos jours garde l'empreinte de ce dialogue ou de ce combat inachevé.
Une étude majeure qui aide à comprendre l'Église d'aujourd'hui.
L'auteur Historien spécialiste du catholicisme, André Latreille (1901-1984) a notamment publié Napoléon et le Saint-Siège et L'Église catholique et la Révolution française.
Arguments - Classique/usuel.
Dans la France occupée, la musique est un outil essentiel de l'ambitieux dispositif culturel allemand. L'Allemagne ne se proclame-t-elle pas le pays de la musique, « Deutschland, das Land der Musik » ? Pour les vainqueurs, il ne fait aucun doute que la musique française doit s'incliner devant le génie allemand.
Durant quatre ans, une frénésie de musique s'empare alors de la population : théâtres bondés pour acclamer les grands solistes germaniques, mondanités franco-allemandes autour des concerts de prestige au service de la collaboration, artistes de renom offrant leur talent au poste allemand Radio-Paris...
Qu'est-ce donc alors qu'être musicien en situation d'occupation ? Est-ce que jouer engage ? Peut-on parler d'une musique « collaboratrice », ou « résistante » ? Comment la scène musicale a-t-elle réagi à l'exclusion de ses artistes juifs, à la collaboration de ses plus éminents compositeurs et interprètes ? Quelle a été, enfin, la réalité et la portée de son épuration ?
Karine Le Bail signe la première grande étude sur cette mise au pas de la musique sous l'Occupation, et dévoile, à partir d'archives inédites tant françaises qu'allemandes, un pan méconnu de la vie culturelle des années noires.
À la fois fête des peuples et fête de la beauté, les Jeux Olympiques de Berlin ont été immortalisés en 1936 par Léni Riefenstahl. Mais comment les "dieux du stade" ont-ils contribué à l'affirmation des Nazis sur la scène internationaleoe Et comment comprendre l'incroyable puissance fusionnelle de ces célébrations politico-sportives?
Daphné Bolz décrypte les codes d'une esthétique virile et classique inspirée de la Grèce antique: la mise en scène d'un triomphe de l'Homme nouveau fasciste et nazi, par et dans le combat.
Un livre essentiel pour mieux interroger les mythologies du sport.
La perception de l'histoire est-elle en train de changer à l'heure où de nouveaux rapports se construisent entre l'imprimé et le multimédia ? telle est la question posée dans cet ouvrage, au travers d'une lecture des journaux d'actualités cinématographiques de la france libérée.
Dans cette perspective ambitieuse, le livre est articulé en deux temps. le premier, intitulé " traverse ", propose une navigation horizontale dans le corpus des actualités, où sont mises en -rapport l'histoire circonstanciée du groupe de presse qui les produisit et l'analyse des différentes formes de mise en scène de l'événement. le second temps, " vagabondage ", s'intéresse successivement à la scénographie du général de gaulle, au retour des déportés et aux procès d'épuration.
Ici, l'analyse des usages ultérieurs des archives filmées et les " voix " de personnalités d'horizons divers - gens du cinéma, témoins de l'époque, historiens, philosophes - viennent enrichir en rhizomes la réflexion jusqu'à la période contemporaine.
Au-delà du travail sur les archives, sylvie lindeperg nous propose ainsi, avec rigueur et clarté, une définition et un mode d'écriture de l'histoire comme principe d'intelligibilité du temps présent.
30 ans après le best-seller de Martin Blumenson (Le Réseau du Musée de l'Homme, Seuil, 1979), voici la somme définitive sur l'épopée tragique du premier groupe de résistants français. L'histoire, entrée dans la légende, d'un mouvement né dès l'été 1940 et associé aux noms de Boris Vildé, Pierre Brossolette, Germaine Tillion, Jean Cassou.
Des savants, linguistes, ethnologues, archéologues, oeuvrant au sein d'une organisation secrète consacrée à l'aide aux évadés, à la contre-propagande et au renseignement. L'aventure d'hommes et de femmes entrés en clandestinité au péril de leur vie, traqués par la Gestapo, dénoncés par la police de Vichy. Histoire brève, puisque ces résistants de la première heure, arrêtés en 1941, seront exécutés au fort du Mont-Valérien l'année suivante. Leur exemple, associé à une exceptionnelle leçon d'héroïsme, sera suivi et médité par Jean Moulin, Henry Frenay, Pierre de Bénouville.
Une fresque passionnante, nourrie d'archives inédites. Une enquête haletante sur les précurseurs de l'armée des ombres. Une nouvelle histoire de la première Résistance.