" A l'Institut dentaire du square de l'avenue de Choisy [.], on allait, durant un mois ou deux, jouer les émules de la Gestapo. ceux qui se réclamaient du bon droit. des meilleurs principes. " (Alphonse Boudard, Les Combattants du petit bonheur, 1978).
Entre le 20 août et le 22 septembre 1944, près de quarante corps sont repêchés dans la Seine, à Paris et ses alentours. Tous les corps portent au cou, attaché par une cordelette de soie, le même pavé de grès, pas assez lourd, semble-t-il, pour lester correctement les cadavres. Qui sont ces hommes et ces femmes ? Qui sont les tueurs ? Dans la tourmente de la Libération de Paris, toutes les hypothèses peuvent être formulées.
Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre ont mené l'enquête, qui à l'époque, n'alla jamais à son terme. Ils ont retrouvé les identités des victimes et remonté le cours de leurs vies. Tous les chemins les ont conduits à l'Institut dentaire, sinistre centre clandestin de séquestration et d'exécution, ou plus de deux cents personnes furent incarcérées et torturées entre le 20 août et le 15 septembre 1944. Qui tenait ce centre ? La Milice ? La Gestapo ? Non, des " FTP " de la dernière heure qui profitèrent de ces troubles journées pour régler quelques comptes sanglants.
Comme dans Liquider les traîtres, Berlière et Liaigre ont réussi à conjuguer avec talent la rigueur historique et le souffle romanesque.
Guy sajer n'a pas dix-sept ans quand, en juillet 1942, il endosse l'uniforme de la wehrmacht.
Il est français par son père, allemand par sa mère ; il habite alors l'alsace.
à cause de son jeune âge, il n'est pas affecté à une unité combattante, mais dans le train des équipages. dès novembre, l'hiver s'abat sur la plaine russe ; le froid, la neige, les partisans rendent la progression des convois extrêmement difficile : jamais l'unité de sajer n'atteindra stalingrad qu'elle devait ravitailler ; la vie armée aura capitulé avant.
Mais sajer sait déjà que la guerre n'est pas une partie de plaisir, que survivre dans l'hiver russe est déjà un combat. et pourtant, ce premier hiver, il n'a pas vraiment fait la guerre.
La vraie guerre, celle du combattant de première ligne, il la découvre lorsqu'il est versé dans la division " gross deutschland ", division d'élite, avec laquelle, à partir de l'été 1943, il va se trouver engagé dans les plus grandes batailles du front d'ukraine, quand la wehrmacht plie sous l'offensive russe.
De koursk à kharkov, de jour comme de nuit, dans la boue, la neige, quand le thermomètre marque 40â°, sous le martèlement terrifiant de l'artillerie russe, face aux vagues d'assaut d'un adversaire désormais puissamment armé et qui ne se soucie pas des pertes, les hommes de la " gross deutschland ", portés toujours aux endroits les plus exposés, toujours en première ligne, combattant à un contre vingt, connaissent l'enfer.
La bataille de bielgorod, le passage du dniepr (la bérésina à l'échelle de la seconde guerre mondiale) constituent, vécus au niveau du simple soldat, deux des plus hauts moments de ce récit d'apocalypse. plus tard, quand le front allemand s'est désagrégé, quand l'immense armée reflue, aux combats réguliers s'ajoutera la lutte contre les partisans, plus sauvage et plus impitoyable. plus tard encore, c'est la retraite des derniers survivants de la division d'élite à travers la roumanie et les carpathes jusqu'en pologne.
Dans l'hiver 1944-1945, sajer et ses camarades sont lancés dans les combats désespérés que les allemands livrent en prusse-orientale pour interdire l'entrée du vaterland aux russes. c'est encore memel, oú l'horreur atteint à son comble, et dantzig, au milieu de l'exode des populations allemandes de l'est. enfin, malade, épuisé, sajer sera fait prisonnier par les anglais dans le hanovre.
Si ce récit de la guerre en russie ne ressemble à aucun autre, s'il surpasse en vérité, en horreur et en grandeur tout ce qui a été écrit, ce n'est pas seulement parce que l'auteur a réellement vécu tout ce qu'il rapporte, ce n'est pas seulement parce que, sous sa plume, les mots froid, faim, fièvre, sang et peur prennent l'accent et la force terrible et de la réalité, c'est aussi parce que sajer sait voir et faire voir dans le détail avec une puissance de trait vraiment extraordinaire.
Alors, le lecteur ne peut douter que tout ce qui est rapporté là est vrai, vrai au détail près ; il sait de science certaine qu'il n'y a pas là de " littérature ", pas de morceaux de bravoure - mais que c'était ainsi : ainsi dans le courage et ainsi dans la peur, ainsi dans la misère et ainsi dans l'horreur.
Un témoignage littéraire et humaniste. Télérama.
En 1913, Janusz Korczak, Juif polonais et pédagogue de notoriété internationale, fonde La Maison des orphelins.
En 1939, lorsque l'Allemagne envahit la Pologne, il accompagne ses enfants dans le ghetto de Varsovie, refusant de fuir seul et de les abandonner. Il mène alors une lutte de chaque jour afin de leur trouver de la nourriture et de leur dispenser de l'amour et quelques instants de joie. C'est en mai 1942, quelques mois avant d'être déporté avec ses pupilles à Treblinka, où il mourra dans les chambres à gaz, qu'il entreprend la rédaction de ce Journal, témoignage bouleversant d'humanité et de dignité qui a été miraculeusement conservé. Dans l'adversité, la fièvre et l'angoisse les plus extrêmes, Korczak y décrit l'enfer du ghetto. Il démontre en même temps quel écrivain il était, doué d'un humour cinglant et d'une plume remarquablement sensible.
Septembre 1940 : Léon Blum est arrêté sur ordre de Pétain. Se sachant menacé, il aurait pu fuir, mais il refuse de se soustraire au procès qui l'attend. Pendant seize mois, haï et calomnié, il va être traîné de prison en prison. Pourtant, le vieux leader résiste. Il se bat, prépare sa défense, reconstruit son parti dans la clandestinité... et finalement réussit le tour de force de retourner l'opinion publique en sa faveur. Où puise-t-il sa combativité ? Et comment survit-il à l'emprisonnement en Allemagne qui va suivre son procès ? On a évoqué son optimisme, son humanisme... Mais cela ne suffit pas. Léon Blum a un secret : une femme, Jeanne Reichenbach.
Au terme d'une longue enquête, s'appuyant notamment sur une correspondance inédite, Dominique Missika révèle le rôle joué par Jeanne Reichenbach, et raconte une histoire d'amour méconnue entre deux êtres exceptionnels.
L'histoire bouleversante de Suzanne Spaak, héroïne méconnue de la Résistance et Juste parmi les nations.
Voici une histoire de courage sans faille face au mal.
Voici le drame haletant d'une femme qui a tout risqué pendant l'Occupation pour mettre à l'abri des centaines d'enfants juifs condamnés à la déportation.
Suzanne Spaak, née en 1905 dans une famille de la haute bourgeoisie catholique belge, s'est installée à Paris en 1937 avec son mari, dramaturge à succès. Lorsque la guerre éclate, elle rejoint sans hésiter la Résistance et s'appuie sur sa fortune et son prestige social pour enrôler des complices dans la capitale occupée. Au nez et à la barbe des Allemands, Suzanne et d'autres femmes venues de plusieurs groupes de résistants juifs et chrétiens kidnappent des dizaines d'enfants pour les sauver des chambres à gaz.
Suzanne paiera son immense volonté et son intrépidité : capturée par la Gestapo, elle sera exécutée peu avant la Libération.
Elles s'appellent Andrée Cotillon, Alice Mackert, Juliette Goublet, Rudolphina Kahan, Waltraute Jacobson, Hélène de Tranzé ou Maud Champetier de Ribes. Concubine, égérie, espionne, putain de bas-fonds, belle de jour, intellectuelle ou aristocrate fauchée : elles ont frayé avec la pègre, prêté main-forte à la Gestapo, trempé dans tous les mauvais coups de la Collaboration. Ces femmes ont pris part à des rafles d'enfants, servi de rabatteuses au sinistre docteur Petiot ou traqué les résistants dans le Vercors aux côtés de l'occupant.
Cédric Meletta est parti sur les traces de ces aventurières, prédatrices ou criminelles oubliées, exhumant leur destin du secret des archives, comme dans un roman de Modiano. La plupart furent poursuivies et condamnées à la Libération, certaines fusillées lors d'exécutions sommaires.
L'auteur ne refait pas leur procès. Il se plonge dans l'histoire de chacune, sonde leur âme noire, comme on rouvre des dossiers enfouis, et nous livre un tableau fascinant de cette période dont il restitue l'atmosphère et les intrigues avec une grande finesse psychologique et un sens aigu du détail et de l'anecdote. Son récit est tout autant d'un historien que d'un romancier, qui sait décrypter les ambiguïtés, les faux-semblants, les jeux d'ombres et de manipulations derrière la vérité des faits.
Jamais la Résistance n'avait été racontée comme un roman d'aventures, le roman vrai d'une " génération déraisonnable ". Georges-Marc Benamou a rencontré les résistants de la première heure. Pour révéler les ressorts intimes de leur engagement, il nous propose ici quatorze portraits - interviews sensibles et d'une grande diversité : du chef des agents secrets de Londres, le légendaire colonel Passy, à Lucien Neuwirth, collégien révolté du 18 juin, de l'extrême gauche avec Jean-Pierre Vernant à l'extrême droite avec Hélie Denoix de Saint Marc ou Daniel Cordier, des résistants de l'intérieur comme Serge Ravanel aux " londoniens " comme Stéphane Hessel, sans oublier les " africains " Pierre Messmer ou José Aboulker.
Au-delà de l'histoire officielle, cette enquête est riche en révélations : de Gaulle contesté et Moulin attaqué à travers le testament polémique du colonel Passy, le mouvement Combat sur la sellette à propos de Caluire et Pierre de Bénouville mis en cause, la rivalité entre Pierre Brossolette et Jean Moulin, la rencontre entre Maurice Papon et François Mitterrand, les dessous incroyables de la constitution du Conseil national de la Résistance, qui permet à de Gaulle de prendre le pouvoir, les attaques de l'ancien Premier ministre Pierre Messmer contre la position de Jacques Chirac sur Vichy...
Ce livre raconte l'histoire telle qu'elle fut : tumultueuse, complexe et romantique, et non plus telle qu'on a bien voulu nous la montrer jusqu'à aujourd'hui.
Le Sang de l'espoir : c'est la volonté acharnée, animale, de lutter et de survivre, puis de renaître pour créer.
C'est l'histoire de Samuel Pisar. Elle forge, à travers une expérience hors du commun, l'un des destins les plus exceptionnels de notre temps. Ce récit intime, foudroyant et toujours d'un brûlante actualité, nous conduit de l'abaissement dégradant de l'adolescent plongé dans l'enfer d'Auschwitz, jusqu'au triomphe de la vie et l'épanouissement de l'action. Chacun y trouvera pour lui-même le battement du sang et la chaleur de l'espoir.
Les Français se sont beaucoup entretués au cours de l'année 1943.
Entretués pour des idées. Entretués pour de l'argent. Entretués pour voler quelques milliers de tickets de pain, parce que ces tickets étaient indispensables au maquis, certes, mais aussi parce que leur revente au marché noir permettait à des gangs de s'enrichir encore. L'impitoyable guerre civile comporte bien des zones d'ombre, mais Henri Amouroux n'est pas de ceux qui se voilent la face et utilisent des mots paravents.
Attaché depuis un quart de siècle maintenant à décrire ce que fut la vie quotidienne des Français sous l'occupation, il le fait avec cette précision passionnée qui donne à toute son oeuvre sa valeur auprès du grand public et son poids auprès des historiens. L'année 1943, année du Service du Travail Obligatoire, sera donc également, et surtout, l'année de la naissance des maquis qui recrutent parmi les réfractaires, l'année de la Milice qui, à partir d'octobre et de novembre, réplique à la terreur par la terreur et, alors que les alliés anglais, américains et russes, partout, poussent en avant leurs armées, engage un combat perdu d'avance contre la quasi-totalité des Français hostiles à l'occupant.
Sixième tome de La grande histoire des Français sous l'occupation, L'impitoyable guerre civile sera suivi de L'hiver du grand espoir et d'un volume intitulé Joies et douleurs du peuple libéré qui clôturera, en 1987 sans doute, une série dont la publication a commencé en 1976. Ainsi sera achevée une oeuvre puissante et originale qui, immédiatement, a conquis des centaines de milliers de lecteurs qui se sont passionnés soit en retrouvant les souvenirs d'une époque intensément vécue, soit en apprenant à mieux connaître le déroulement complexe d'années dramatiques qui pèsent toujours sur le destin de la France et sur celui des Français.
Car, entre septembre 1939 et mai 1945, bien peu d'hommes et de femmes, et bien peu de familles ont échappé aux conséquences politiques, sociales, sentimentales et morales de ces grandes batailles qui, en Russie, en Afrique, puis en Italie changeaient déjà la face du monde. Ces drames humains, comme ces drames collectifs, Henri Amouroux les restitue aujourd'hui dans toute leur complexe et mouvante vérité.
1943-1944...
Lentement, l'hiver de l'occupation se dissipe. Rien n'est fini sans doute, mais l'on devine que tout va finir. C'est pourquoi Henri Amouroux a voulu donner au septième volume de sa Grande histoire des Français sous l'occupation ce titre symbolique : Un printemps de mort et d'espoir. Se sachant condamnés, les Allemands accentuent leur pression, leurs exigences, leurs représailles. De Vichy, ils vont faire un Etat satellite dont le chef nominal, Philippe Pétain, devra accepter l'arrivée au gouvernement des plus fanatiques partisans de la collaboration : Henriot, Darnand, Déat.
Quarante millions de pétainistes ? Ce fut vrai pour l'automne de 1940... même si Paris, en avril 44, réserve encore une ovation au maréchal, à l'occasion de son unique visite à la capitale. A l'horizon, désormais, l'étoile de De Gaulle ne cesse de grandir. Après le combat vainqueur mené contre Giraud, voici De Gaulle solidement installé en Algérie, enfin reconnu par les alliés, ayant passé avec les communistes l'un de ces accords provisoires qui camouflent mal les méfiances réciproques, mais lui permettent de se présenter en unificateur de toutes les Résistances à un moment où l'avenir se met en place.
Henri Amouroux évoque l'élaboration, tant à Alger que dans la clandestinité parisienne, de ces nombreux décrets et de ces lois à l'origine de IVe République et qui, très longtemps encore après la Libération, régleront l'existence des Français. Mais il dit aussi le combat héroïque des maquisards de Glières ; la lutte en Tunisie, en Corse, en Italie, de l'armée française ressuscitée ; le tragique des camps de concentration ; le drame, généralement ignoré, des Alsaciens et des Lorrains, enrôlés contre leur gré dans l'armée allemande ; les horreurs de la guerre civile ; les bombardements qui ravagent les villes françaises ; la montée en puissance de la Résistance jusqu'à ce 6 juin 1944 où le débarquement libère toutes ses forces ; la vie quotidienne, enfin, cette vie quotidienne, partie intégrante de tous les livres d'Henri Amouroux comme elle est partie intégrante de notre histoire.
Après Un printemps de mort et d'espoir, Henri Amouroux publiera, en 1987, Joies et douleurs du peuple libéré (6 juin - 31 décembre 1944). Ce livre, le huitième, achèvera-t-il une série commencée en 1976 par Le peuple du désastre ? Henri Amouroux l'ignore aujourd'hui tant sont nombreux les documents qu'il a accumulés sur la Libération et sur l'épuration. Documents découverts au cours de longues recherches, mais également documents envoyés par des lecteurs si nombreux, et si fidèles dans l'amitié, qu'Henri Amouroux a voulu leur dédier Un printemps de mort et d'espoir.
Le huitième volume de La grande histoire des Français sous l'occupation ne couvre qu'une période brève : du 6 juin au 1er septembre 1944.
Mais que d'événements pendant ces trois mois ! Le débarquement ; le soulèvement des maquis, et les grands épisodes de Saint-Marcel, du mont Mouchet, du Vercors ; les représailles allemandes qui culminent dans l'horreur à Ville et à Oradour ; l'effondrement du royaume de Vichy et le départ pour l'Allemagne de la Milice ainsi que des collaborateurs les plus engagés ; mais aussi la mise en place du pouvoir gaulliste, la libération de Paris par les FFI-FTP et par les troupes de Leclerc ; la vie dans ces départements du centre de la France où les communistes avaient acquis une influence contrebalançant celle de De Gaulle ; les exécutions sommaires ; le débarquement victorieux en Provence des troupes de De Lattre ; le martyre de centaines de villages et de ces villes (Caen, Saint-L8, Le Havre, Saint-Malo, Lisieux) qui resteront plusieurs semaines sous le feu de l'aviation anglaise et des canons américains - oui, autant d'événements extraordinaires racontés avec rigueur et passion par Henri Amoureux.
L'auteur de La grande histoire des Français sous l'occupation a reçu pour son huitième tome, Joies et douleurs du peuple libéré, des milliers de pages de documents inédits. Jamais les lecteurs n'auront participé aussi activement à une oeuvre historique. A quelque "bord" politique qu'ils aient appartenu, dans quelque situation qu'ils se soient trouvés, ils ont voulu témoigner. Maquisards racontant le drame du Vercors ; simples spectateurs de la bataille pour la libération de Paris ; hommes et femmes ayant vécu de longues et tragiques semaines sous les bombardements ; familles ayant souffert de l'épuration sommaire de juin et de juillet 1944..., plusieurs centaines de lecteurs ont ainsi apporté leur contribution écrite à Henri Amouroux, comme à tous ceux qui le lisent depuis douze ans déjà.
A ces lectrices et à ces lecteurs, il sait ce qu'il doit : la vérité, cette vérité si difficile à atteindre, mais dont l'approche a toujours été son ambition. A la fin de son septième volume, Un printemps de mort et d'espoir, Henri Amoureux se demandait si Joies et douleurs du peuple libéré achèverait la série commencée en 1976 avec Le peuple du désastre. Il connaît aujourd'hui la réponse. Pour clore sa monumentale série, un neuvième volume, qui mènera le lecteur de septembre 1944 au mois d'août 1945, c'est-à-dire au procès du maréchal Pétain, est indispensable.
Henri Amouroux l'a déjà mis en chantier sous le titre Les règlements de comptes.
Le 10 mai 1940, Bluma Jankelovitch, Juive et communiste réfugiée à Paris, reçoit un appel téléphonique en provenance de Riga, sa ville natale. Sa mère, Brocha, est au bout du fil. Inquiète des nouvelles qui lui arrivent de France, elle supplie sa fille de revenir au plus vite chez elle, à Riga, où, dit-elle, " elle sera en sécurité, car les gens nous connaissent et nous protègent ". Mais Bluma n'écoute pas ses conseils : avec son mari et ses enfants, elle fuit Paris en direction du sud, vers la zone libre. Plus jamais elle n'entendra la voix de sa mère. Brocha Jankelovitch a disparu avec toute sa famille dans la forêt de Rumbala au cours d'un épisode mal connu appelé depuis la " Shoah par balles ". Longtemps après la guerre, sa petite-fille, Alix, est partie sur ses traces par le biais des archives de Riga, dans ce qui fut le ghetto où les nazis avaient parqué la communauté juive de Lettonie et sur les lieux du massacre. Elle a retrouvé des noms, des lieux, des chiffres : 26 000 Juifs tués en deux opérations nommées " Aktions ". Mais cette comptabilité sans âme ne parvient pas à assouvir sa soif de comprendre, et surtout de mieux connaître cette grand-mère lointaine à laquelle, lui dit-on, elle ressemble tant. Aussi, pour rendre la parole à Brocha, et pour, selon ses mots, " substituer à l'étouffant devoir de mémoire la liberté créatrice du ressouvenir ", a-t-elle pris le parti d'écrire à sa place ce qui aurait pu être son journal intime, entre le moment où elle raccroché son téléphone, le 10 mai 1940, et celui où des soldats l'ont arrachée au ghetto pour la conduire dans la forêt. C'est aussi l'occasion de raconter les joies et les peines du petit monde yiddish de Riga, ses coutumes, ses bons petits plats, ses blagues, ses figures pittoresques telles que Bluma les lui a décrites. Pour aller jusqu'au bout de sa démarche, Alix Brijatoff a tenu à présenter le Journal de Brocha sous une forme originale : sur les pages de droite court le journal intime ; sur les pages de gauche sont mis en regard, dans un style sobre et concis, les faits historiques - les deux registres se répondent et s'enrichissent, illustrés par une soixantaine de photos de famille et d'archives. Ainsi, à sa façon très personnelle, avec dignité et sensibilité, l'auteur a-t-elle réussi à dire l'indicible.
Lorsque mes petits-enfants auront quarante ans et mon arrière-petite fille Lottie vingt, Vichy obsédera-t-il toujours la conscience française ? Quels rapports la France entretiendra-t-elle alors avec de très anciennes blessures ? Saura-t-on encore que Vichy est né de la plus cruelle et de la plus totale défaite de toute l'histoire de France, que l'on ne peut l'imaginer détaché des brutales exigences de l'occupant et de la quotidienne inquisition des " collaborateurs " parisiens ?
Ces interrogations - et quelques autres - sont à l'origine de ce livre, que j'ai voulu presque testamentaire.
Quarante années de travail, les témoignages écrits de milliers de lecteurs, m'ont donné le droit, et peut-être le devoir, de l'écrire.
J'ai voulu insister sur des points trop négligés et dont la connaissance permettrait un jugement moins manichéen, ce qui ne veut pas dire indulgent. Car sur Vichy, je tiens pour valable ce que Germaine de Staël, se souvenant de la Terreur, écrivait en 1810 : " Se permettre de mauvais moyens pour un but que l'on croit bon, c'est une maxime de conduite singulièrement vicieuse dans son principe...
" Je sais d'autant mieux ce que l'on peut reprocher à Vichy - les compromissions, les complicités, les initiatives - que je conserve, avec les photos de mes enfants, la photo de Régine Adjelson, petite juive de huit ans, déportée vers Auschwitz avec le convoi du 17 août 1942...
En finir avec Vichy... En finira-t-on jamais ? Mais comprendre les évolutions des sentiments, dissiper les confusions, se protéger des télescopages des dates et des événements (1940 n'est pas 1941, qui n'est pas 1942...), faire oeuvre d'explication pour réparer les " oublis de la mémoire " - telle est l'ambition de ce livre.
Mon témoignage devant le monde, publié en France en 1948 et introuvable depuis, est l'oeuvre magistrale d'un des grands témoins du siècle, Jan Karski (1914-2000). Ce résistant polonais fut le premier à porter témoignage devant le monde de l'extermination des Juifs dans les territoires polonais occupés par les nazis.
Mobilisé en septembre 1939, le catholique Karski est fait prisonnier par les Soviétiques, puis remis aux mains des Allemands. En novembre 1939, il réussit à s'évader, arrive à Varsovie et rejoint la Résistance. Dès 1940, il passe en France, pour porter des microfilms au gouvernement polonais en exil à Angers. Il découvre des Français encore insouciants, vivant une inquiétante drôle de guerre, à mille lieues des souffrances qu'endurent les Polonais depuis six mois sous le joug nazi. À son deuxième passage, il se fait arrêter en Slovaquie et torturer par la Gestapo. Il essaie de se suicider mais finit par s'évader de l'hôpital militaire où il est détenu. Puis il se remet au service de la Résistance, structurée en un véritable État secret, avec son gouvernement, son parlement et son armée.
À l'été 1942, il pénètre clandestinement dans le ghetto de Varsovie puis dans le camp de concentration d'Izbica Lubelska en se faisant passer pour un garde ukrainien. C'est habité de ces effroyables visions que le messager Jan Karski quitte définitivement Varsovie en octobre 1942, traverse l'Europe en guerre, porteur d'un message trop lourd pour un homme seul : le peuple juif est en train de disparaître, exterminé par les nazis.
À Londres et Washington, Karski plaide auprès d'Eden et de Roosevelt en faveur d'une action destinée à arrêter la Shoah. Mais devant son récit, la plupart de ses interlocuteurs ont une réaction comparable à celle de Felix Frankfurter, juge de la Cour suprême des États-Unis, lui-même juif : « Jeune homme, je ne vous dis pas que vous êtes un menteur, mais je ne vous crois pas. »